vendredi 13 novembre 2009

Le Cambodge, c'était...


Hallelujah, ce soir j'ai le temps d'écrire (youhou).

Profitez, ça ne va pas durer.

Je dois avouer que, et ça va paraître ultra prétentieux de ma part, mais au point où j'en suis, moi petite khméro-franco-nympho-maso-toxicomane (et oui, moi je fais de la private joke qui tue), je vais pas commencer à me priver des petites joies de la vie comme les odes à moi-même, les autels auto-dédiés, et les bisous au miroir quand je me vois le matin. Donc je disais, ça va paraître ultra prétentieux de ma part, il n'y a pas beaucoup de choses qui m'aient surprise quand je suis partie au Cambodge. Depuis ma plus tendre enfance, j'ai été bercée de généralités honteusement banales sur ce pays, genre « tu vas voir là bas les fruits ils sont trop bons, il y fait chaud, et rien n'est cher », et qui se sont bien sûr avérées vraies.


Je ne reproche à personne de m'avoir gâchée la surprise du voyage:
mon imagination est peut être débordante mais je suis loin d'être devin, et si toutes mes tantes, mes cousines, et toutes les personnes qui sont allées au Cambodge avant moi m'ont expliqué en détails que là bas il y avait une ribambelle de choses dont je ne soupçonnais pas l'existence avant de les en avoir entendus parler, les avoir vues a quand même été une découverte atypique.

Je ne l'ai jamais mentionné, mais j'ai en fait très tard découvert la culture khmère. Mes seules connaissances en la matière étaient les souvenirs de repas de famille chez ma tante une fois par an (et encore), et les rares goûters chez elle, sans ma mère, où je ne comprenais pas pourquoi on mangeait tous sur un tapis en fibres de riz par terre, alors qu'une table, chez tata Setha, y'en a une, je l'ai vue c'est pas la peine de la cacher, vous, vilains khmers à gros nez que vous êtes. J'ai aussi découvert très tard les secrets de famille typiquement khmers qui régissent les comportements de mes oncles, tantes, et même de mon propre papa.

Et donc ça, ça a été une découverte au Cambodge: les milliers de secrets que l'on m'a dévoilés au fur et à mesure du mois que j'ai passé à voyager entre Ta Khmao, Phnom Penh et Sihanoukville.

Je ne sais pas à quel âge on commence à vraiment connaître l'histoire de sa propre famille: en général les papy mamie français vous rabâchent les oreilles avec les guerres qu'ils ont vécues, alors que moi bon bah déjà j'ai jamais parlé khmer, et puis en plus quand j'avais 5 ans mes grands parents en avaient 95, donc c'était pas à ce moment là que je pouvais leur demander des histoires croustillantes sur les ragots de cette tante, vous savez, celle qui est folle depuis qu'elle a tenté de s'enfuir d'un camp de travail et que les khmers rouges l'ont tabassée avec une pelle. J'ai donc découvert à 21 ans les secrets de famille les plus étonnants, des histoires tristes comme des histoires drôles, et aussi des folklores rocambolesques à l'état sauvage (pouah j'vous sors du vocabulaire là, vous devriez me remercier pour tout ce flot de littérature de haut vol, tiens).

Donc au Cambodge, je n'ai pas vraiment découvert le Cambodge.
J'y ai découvert ma famille, les 10 oncles et tantes que je n'ai jamais vus ou qui sont venus en France une fois quand j'étais trop petite pour m'en rappeler. J'ai compris que si mon père ne m'avait jamais appris le cambodgien c'était parce qu'il ne voulait pas m'embrouiller l'esprit avec une langue qui ne me servirait que dans un seul pays et dans les rares réunions de famille où lui même déteste aller. J'ai vu que notre famille a été privilégiée pendant la guerre. J'ai rencontré un ami très proche de mon père, qui a vécu les mêmes choses que lui, et j'ai été émue en le voyant comme un gamin à discuter moitié français moitié khmer de choses et d'autres. J'ai vu où vivait ma famille, et contrairement à ce qu'ils disent, c'est très beau. J'ai vu ce que c'était qu'une vraie famille cambodgienne, et ça fait un bien fou. On ne se rend pas compte à quel point c'est émouvant de voir un oncle craquer devant vous comme un papa gâteau juste parce que vous avez dit « non merci » en cambodgien, avant de l'avoir vécu.

J'ai découvert ma famille et je me suis découverte moi même. J'ai compris que jusque dans mes loisirs, je ressemblais à des gens de ma famille, alors que je me suis souvent demandé si c'était vraiment possible. Je joue de la guitare comme mon oncle Vuthina, je chante comme ma tata Sokhom, je parle des langues étrangères avec la facilité de cette tante qui habite Kompong Som et qui a appris le français toute seule. Je me suis sentie utile. J'ai donné de l'espoir à des cousins et cousines qui croyaient qu'ils ne parleraient jamais anglais avec quelqu'un d'autre qu'un cambodgien. J'ai montré à des tantes que contrairement à la plupart des jeunes khmers cons nés en France, on peut être franco-khmer et rester un mois au Cambodge sans jamais pleurer sa race parce qu'on veut rentrer. J'ai mangé du poisson, j'ai aimé ça, et ça a fait bomber le torse de ma tante Sarina, cuisinière hors pair, d'habitude renfermée et triste. J'ai rendu fier mon papa juste en lui montrant mes yeux pleins d'émerveillement devant Angkor Wat. J'ai fait craquer mon neveu Nak juste parce que je suis métisse et qu'il me trouve belle. J'ai fait pleurer de rire ma cousine quand j'ai mangé une tarentule.

J'ai fait plein de choses, je suis allée à plein d'endroits, et je ne regrette rien. Pas un achat, pas une parole, pas un geste, pas un souffle. Tout était parfait.

Tout ça pour dire que non, je n'ai pas découvert le Cambodge comme je l'imaginais. J'y ai découvert une famille, leurs maisons, leurs amis, leurs secrets... Et je dirais même que je n'ai pas seulement découvert le Cambodge, j'ai découvert le pays où ma famille habite. Et je crois que ma plus grande découverte là bas, c'était ça.

En visite chez papy mamie


Comme je le disais, mes grands parents sont morts alors que j'étais assez jeune, et je ne les ai vus qu'une seule fois en fait. J'en garde des souvenirs lointains qui impressionnent mon père quand je les lui raconte, comme si il ne s'était pas rendu compte à quel point le fait de voir mes grands parents venir du Cambodge pour me voir, à l'âge de 5 ans, avait été important pour moi.

C'est à la mort de grand père, parti en premier, que ma mère s'est rendue compte qu'en fait nous avions du sang chinois.
Mon arrière grand père est chinois, et il y avait des caractères sur la tombe de mon grand père, qui a généré un flot de questions embarrassantes pour mon papa alors qu'il essayait de faire son deuil. Passons.

Arrivée au Cambodge, il était bon d'aller sur la tombe de mes grands parents pour nous recueillir, surtout que nous arrivions à l'anniversaire de leur mort, et que c'était malheur sur moi sur cinquante générations si je n'y allais pas, selon mes tantes. Comme d'habitude, papa a dit que c'était de la connerie, mais vu que je ne voyais pas le mal là dedans et que papa non plus, et puis que ça faisait plaisir a ma tata, ben on y est allés.

Déjà, dans la voiture, papa m'explique
: « Alors, bon. Avant de partir, ton oncle m'a dit que si sa femme l'avait trompé et que maintenant il se retrouvait tout seul a travailler comme ouvrier, c'était parce que tes grands parents ont d'abord été enterrés, puis un an plus tard incinérés. Il aurait fallu les laisser tranquille, tu comprends. Mais comme tes oncles et tantes avec leurs traditions voulaient suivre les rites sacrés, ils ont préféré les faire incinérer plutôt que de les laisser enterrés comme ils le voulaient. T'inquiètes pas, moi non plus j'ai pas compris. Donc voilà, maintenant, à chaque fois qu'il arrive un truc dans la famille, ben on met ça sur le dos de l'incinération des grands parents. ». Ah bah c'est simple tout ça.

On arrive, c'est super joli.
Une petite colline avec vue sur la mer, des enfants qui courent partout, et les bonzes qui vont arriver. Je donne des riels pour l'offrande. Parce que de une, on sait jamais, et puis de deux, chuis sure que papy et mamie ils seraient super contents d'avoir des sous de moi, même s'ils s'en servent pas là où ils sont. Et puis ça change du pauvre dessin pourrave que j'avais donné à grand mère pour la fête des grands mères.

Ma tante Lin balaie. Elle me dit « C'est la honte si c'est sale quand les bonzes vont arriver ». Je souris. Elle comprend.
Un cousin pleure en sortant de la voiture. Ma tante Lin dit quelque chose a papa, il rit, et me dit « Il pleure parce que ça lui rappelle la mort de son propre père. Mais t'inquiètes pas, tante Lin a dit que quand il chialait comme une fille comme ça, c'était quand il était bourré ». Je me retiens de rire, ma belle mère me fait les gros yeux. Roh ça va, il est quand même vachement ridicule avec ses sanglots sonores l'autre pochtron, et puis ça lui apprendra, hier il m'a demandé mon prénom et il l'a même pas compris tellement il était saoûl. Pourtant, c'est pas comme si j'avais un prénom français hein... Vieille vinasse bridée va.

Mon neveu Nak me prend la main. Il me dit quelque chose en khmer, je lui réponds que je suis désolée mais que je ne comprends pas. Il est dépité le pauvre. J'aimerais tellement lui parler...

« Papa, j'y connais rien moi à leurs rituels, je dois faire quoi? » « J'en sais rien j'y connais rien non plus ». Les bonzes arrivent. Ma tante a acheté des offrandes pour qu'ils poursuivent la cérémonie.

La vache

...

Merde

...

Il pleut.

Il faisait grand soleil y'a deux secondes, j'comprends pas... M'enfin, le karma. Ca a l'air de surprendre personne en plus. Nak me prend par la main, je dois tenir les offrandes pendant que les bonzes récitent des prières. Et là, chais pas. C'est bizarre, hein, ils étaient tous fiers que je fasse tout ce chemin pour aller déposer une pauvre offrande sur la tombe de mes grands parents.

La cérémonie finie, mon cousin arrête de pleurer, et moi je note qu'il s'arrête de pleuvoir.
'Sont blagueurs mes grands parents quand même hein. Ils trouvaient peut être que j'avais trop chaud tiens. J'évite les bonzes, je fais pas comme à la mort de papy et que j'ai voulu serrer la main a un bonze alors qu'ils ont pas le droit de toucher les femmes (roh ça va hein, j'avais 5 ans et on fait tous des gaffes dans la vie), et je rentre dans la voiture.

Ca fait bizarre quand même. M'enfin. Au moins je serai pas maudite sur cinquante generations.

Tuol Sleng: La colline empoisonnée.



Ce matin là je suis malade. Nauséeuse. Y'a un truc qui passe pas. Je sais pas. Sûrement un truc que j'ai mangé.

La veille, j'ai vu mon oncle Sarei, qui, dix ans auparavant, m'a dit que j'étais comme une fille pour lui.
On est passés le voir à l'improviste chez lui pour dire coucou. Il avait déjà mangé. Dommage. Il était impressionné que je sache des bases de cambodgien alors que je ne parlais pas du tout dix ans auparavant. « ta maman va te taper si elle sait ça » qu'il m'a dit en riant. Je ris aussi.

Il m'a laissée une impression bizarre quand papa lui a annoncé qu'on allait voir S-21, le lycée transformé en camp de torture sous les khmers rouges. Il s'est mis les mains derrière le dos et m'a mimé ce qu'il avait vécu pendant deux mois alors qu'il avait été détenu par eux il y a trente ans de ça. J'étais gênée. Il en a ri. Il m'a dit qu'il fallait oublier, que c'était malsain d'aller là bas. Il 'a demandé pourquoi je voulais aller là bas. Je n'ai pas su répondre. Et puis on est partis, moi, papa, mon petit frère et ma belle mère. Papa m'a dit « Il est tellement occupé tu sais, il a beaucoup de travail ». Je l'ai cru.

Dans le tuk tuk, je suis mal à l'aise. J'ai l'impression que tout le monde me regarde. En même temps, pour la plupart des cambodgiens, je suis la première étrangère qu'ils voient de si près. C'est pas grave, je suis malade mais ça va passer. Ca va passer.

Je dois porter un masque. La pollution m'a valu une angine une semaine plus tôt. Autant ne pas tenter le diable. Je suis malade. J'ai la soudaine impression que ce pays me tue. Ca va passer, ça passe toujours.

Dix minutes plus tard, nous arrivons. Je suis avec papa et ma tante Sarina. Son premier mari est mort comme général dans l'armée contre les khmers rouges. Elle aussi, veut comprendre ce qu'ils s'est passé. Papa a l'air calme, comme a son habitude. A peine descendus, nous sommes assaillis par des mendiants, des blessés de guerre. L'un d'entre eux boite, est borgne. Je lui donne une poignée de riels. Il me répond « merci ma tante ». Il a bien vingt ans de plus que moi. Je suis sa nièce, pas sa tante. Une marque de respect, sans doute. Je ne note pas. J'y vais, il faut y aller, je dois comprendre.

Dehors, tout est calme. Une poignée d'étrangers, blonds aux yeux bleus, sont assis sur les bancs dans l'ancienne cour de récré. C'est calme. C'est comme si rien ne c'était passé. Pourtant... Pourtant. Il y a des arbres, mais les oiseaux ne chantent pas ici. C'est comme si il n'y en avait pas. C'est bizarre. Ce n'est pas le calme d'une plage ou d'un bord de rivière, ou d'un parc déserté par les enfants. C'est un silence de cimetière qu'il y a ici.

Un frisson me parcourt des talons jusqu'au sommet de la tête en passant par la colonne vertébrale quand je vois ces grandes jarres, et cette ancienne balançoire. Il y a des explications de torture à côté, en mauvais français, l'anglais est pire. Je suppose que le khmer doit être plus précis et détaillé, le texte en khmer est plus long. Ma tante met sa main devant sa bouche. Elle a l'air tellement triste...

Nous rentrons.
Une première salle: un lit, sans matelas, des photos explicatives, une boîte. Ca intrigue papa. Que fait cette boîte là? Il se retourne, va voir ma tante. C'était pour les besoins naturels des prisonniers. Une boîte en fer, comme pour y mettre des gâteaux. Je n'ai pas noté, je suis passée, j'ai regardé les autres salles, toutes les mêmes. Papa filme. Il me dit qu'il n'y a rien d'autre intéressant ici, alors on monte au second. Là où il y a des photos.

Le frisson ne me parcourt plus. Il reste là, logé entre mes deux épaules. Je suis crispée.
Je tente de cacher cette grimace qui veut me défigurer depuis que je suis entrée ici. Papa m'explique: « Ici, ce sont les photos des prisonniers, là bas, celles des cuisinières, qui ont été exécutées par la suite. Là ce sont les photos des bourreaux. Ne fais pas attention à ta tante, elle regarde si il y a la photo de quelqu'un qu'elle a connu. Je filme et je vais faire pareil, d'ailleurs ». Papa reconnaît quelqu'un. J'ai peur qu'il ait honte d'être en vie en voyant cette photo. Je vais dans une autre salle. Papa ne m'a jamais vue si silencieuse. Alors il me parle, il m'explique, pour casser ce silence, calmement, comme a son habitude: «  En fait, les bourreaux demandaient à leurs prisonniers d'avouer. D'avouer qu'ils étaient coupable de trahison envers Pol Pot, qu'ils étaient envoyés par le KGB, la CIA. On les torturait jusqu'à ce qu'ils avouent. Ils ne pouvaient contredire personne. Ils ne pouvaient même pas crier. » Sur le tableau, entre les photos de prisonniers, un enfant. Papa filme. « Comme les hommes peuvent être cons. C'est de la connerie humaine ça, un enfant de cet âge, il a quoi, 5 ans? Du KGB? Laisse moi rire ». Il rit nerveusement.

Je regarde une photo. Des inscriptions en khmer. Une photo en grand, un homme. Il est là. Là, à côté, il parle avec papa, avec ma tante.
Il explique des choses. Je ne comprends pas. Il sourit, parle encore avec papa. Je le salue, il demande à papa si je suis sa fille, à quoi il acquiesce. Et puis papa m'explique: « C'est bien lui sur la photo. Il t'explique qu'il a été électrocuté, qu'on lui a arraché les ongles des pieds, qu'il boite depuis cette époque, et qu'il a encore des bourdonnements dans les oreilles et des vertiges de temps en temps. Il est heureux de voir qu'une jeune fille comme toi vienne voir ce qu'il s'est passé. Il n'y a pas beaucoup de cambodgiens qui veulent venir ici. ». Je lui demande comment il a fait pour s'échapper. Papa traduit. Et puis il dit « Quand les vietnamiens sont entrés ici, il s'est échappé avec les khmers rouges par l'arrière du bâtiment. Depuis, il est revenu, et il explique ce qu'il lui est arrivé aux gens qui veulent comprendre ». Ma tante a l'air reconnaissant. Je lui souris. Il dit a mon père que je suis belle et que j'ai l'air intelligent. Je le remercie. Nous nous disons au revoir.

Papa dit « Tu veux voir les autres bâtiments? » je réponds que non, que j'en ai assez, que je veux rentrer. Ma tante est d'accord. Papa appelle un tuk tuk.

Je reste silencieuse. Ma tante me dévisage. « Je ne t'ai pas traumatisée au moins? » « Non non papa, je réfléchis c'est tout ». J'ai vu. J'ai compris.

A l'hôtel, je vomis. Je ne dis rien à papa. Je ne veux pas qu'il s'inquiète. J'ai dû avaler un mauvais truc, mais c'est passé maintenant, c'est passé. J'ai fait face et c'est passé. Enfin.

Brève du Srok Khmer: Qui a dit que les asiatiques étaient prudes?




Au musée national de Phnom Penh, papa me montre une sculpture bizarre:

Papa: Tu vois, ça ce sont deux divinités.
Moi: Ah ouais? Pas d'yeux, pas d'oreilles, pas de...
Papa: Non, juste une verge et un vagin.

... Oui hein, autant Papa parle pas beaucoup, autant quand il le fait il va droit au but.

Moi: Heu, tu veux dire les dieux c'est un zizi et une zézette?
Papa: Ouais. C'est la représentation du sexe de Shiva. Là, on a de la chance, parce qu'en général, et tu le verras à Angkor, ben on vole toujours le Dieu mâle.
Moi: Tu veux dire y'a des gens ils ont pillé des zizis?!
Papa: Je pense même qu'ils savaient pas ce que c'était. Mais tu verras, à Siem Riep, je te montrerai la rivière aux 1000 sexes aussi.

Et voilà comment les cambodgiens apprennent les choses de la vie. Je kiffe l'hindouïsme d'une force maintenant, si vous saviez...

Brève du Srok Khmer: le lion; les voyants, et autres superstitions


Chez ma tante Sarina à Ta Khmao, petite bourgade à 30 minutes en tuk tuk de la ville de Phnom Penh, je visite pour la première fois. Papa m'avait prévenue: « tu sais si on va là bas, c'est pour manger, faire la lessive, et que tu discutes avec ta tante, mais y'a rien à faire a part regarder la télé et faire la sieste ». Alors papa me fait visiter le quartier: au bout de la rue, il y a une grande maison et des travaux. Les ouvriers ne parlent pas khmer, ils sont vietnamiens. Il m'explique que ce sont eux qu'on embauche pour faire le travail que les khmers ne veulent pas faire. Retour de karma, sans doute. Et puis en face...

Papa: Bah en face, tu vois y'a une maison bizarre un peu.
Moi: Ouais elle sort d'un film d'horreur c'te baraque, elle fout la trouille.
Papa: C'est une maison de voyants, à ce que m'a dit ta tante.
Moi: Ah ouais? Ca marche bien ici?
Papa: Super bien. Les voyants sont très sollicités, surtout parce que les cambodgiens sont très superstitieux. Mais apparemment eux ils ont des problèmes en affaire.
Moi: Ah? Ils ont prédit trop de cadavres à mettre dans des placards?
Papa: Bah, tu vois ce tas de poteries cassées devant chez ta tante?
Moi: Ouais mais je vois pas le rapport.
Papa: Avant c'était une sculpture de lion. Les voyants se sont plaints, prétextant que depuis que ta tante avait installée la sculpture devant chez elle, les affaires marchaient moins bien. Alors elle a dû la faire détruire.
Moi: Et les affaires marchent mieux depuis au moins?
Papa: Non. Mais bon, tu luttes pas contre la superstition ici, les cambodgiens étaient déjà très croyants en toutes ces conneries (ouioui, papa dit « connerie » des fois) avant les khmers rouges, mais depuis ils le sont encore plus. Moi ça me donne des frissons. Ta belle mère est comme ça. Par contre ton petit frère subira pas ça, il est en France maintenant.

J'apprends plus tard que ma grand mère était très superstitieuse. Que je n'avais pas 12, mais 13 oncles et tantes auparavant. Et qu'une tante est morte d'une pneumonie, soignée par des infusions et autres rituels que les cambodgiens aiment tant.

Ca explique pourquoi papa est aujourd'hui médecin.

Ca fout les jetons cette baraque.