vendredi 16 octobre 2009

Le riz gluant


Je ne sais pas à partir de quel moment la nourriture asiatique est devenue si à la mode, mais j'ai le net souvenir que dans mon enfance elle ne l'était pas du tout, voire totalement inconnue au bataillon chez la plupart des français. J'ai déjà évoqué le fait que quand j'étais petite je devais apporter mon repas de midi à l'école, mais il y avait aussi une tradition propre à cette école, celle des collations de 10h et de 15H. C'était les parents qui devaient à tour de rôle s'inscrire pour faire le snack pour toute une semaine. Et arriva une semaine où ce fut à notre tour.

Le fait est que, bien que ce soit ma mère, française, qui fit ces collations, elle eut l'idée de faire découvrir aux autres élèves de ma classe ma culture en nous préparant un dessert typiquement cambodgien: le riz gluant.

Et bien je dois dire que vous les français, en plus d'être les personnes les plus flemmardes et les moins douées au monde pour apprendre les langues étrangères (je sais ça n'a rien à voir mais il fallait que ce soit dit), vous êtes aussi les moins aventuriers en ce qui concerne la découverte de nouveaux plats. Le riz gluant, ce n'est ni plus ni moins du riz rond cuit dans du lait de coco, comme votre riz au lait à vous, avec des haricots noirs. Ca a une consistance un peu plus pâteuse, certes, mais le goût n'en est pas moins bon.

Et bien croyez le ou non, quand je me suis ramenée au goûter avec mon snack, même la prof n'en a pas goûté. Non mais j'vous jure, et puis en plus y'en a pas un qui a voulu en manger! Ils ont tous regardé mon dessert, un de mes desserts préférés, comme si c'était du poison au mieux et au pire de la bouse de vache aux choux de bruxelles, et au lieu de faire l'effort de goûter pour se rendre compte que finalement ce n'était pas si dégoûtant que ça, même la maîtresse qui était sensée donner l'exemple (une irlandaise, le comble) n'a pas daigné goûter.

Alors voilà, je vais vous expliquer un truc, vous les petits français tous contents de manger vos fromages qui puent et votre pot au feu sans goût, et aussi vos produits du terroir dont vous êtes si fiers: nous notre riz au lait il ressemble peut être à de la bouillie, mais nous notre riz il est tellement bon qu'on peut le manger sans aucun accompagnement. Et vos produits tripiers, qui font partie de votre si beau terroir de franchouillards, bah nous même s'ils ont l'air dégueu, on fait quand même l'effort d'en manger.

Tout ça, mes chers petits amis français, ça s'appelle l'ouverture d'esprit. Et j'vais sembler complètement folle mais pour moi ça se fait aussi dans l'assiette.

Mais en fait, ce qui me fait le plus rire dans cette histoire c'est non seulement que je me suis tapé un super goûter ce jour là puisque y'en avait plus pour moi (na, poils aux bras), mais qu'aujourd'hui la bouffe asiat' est tellement à la mode que les français mangent tout ce qui vient d'Asie ou est prétendu venir d'Asie. En plus ils disent que c'est bon et que c'est une bouffe révolutionnaire.

Alors là va falloir vous expliquer un truc les cocos: un sushi, c'est du riz aromatisé avec un bout de poisson cru. Y'a rien d'extraordinaire ni de révolutionnaire la dedans les gars. Et le riz cantonais c'est juste du riz avec des légumes et de la sauce soja.

Ouais je sais, je casse le mythe mais je pense que c'était vraiment un mal nécessaire au bien être du franchouillard moyen. Tout ça, c'est dans la tête: si j'avais brieffé mes camarades de classe pendant des semaines en leur disant que ce dessert était un des meilleurs et des plus appréciés de l'univers, ça se trouve ils se seraient enfilé la marmite. Ou pas. Enfin bref, vous avez pigé le sens. Et puis merde, j'ai raison et puis c'est tout.

Les petites histoires de papa: Yey Mao.


Sur le chemin de Phnom Penh à Kompong Som, dans le bus limousine (et ouais je suis l'arrière grand nièce de Monivong, moi, les gueux, alors va falloir me montrer un peu de respect sinon j'vous fait frire avec des tarentules), l'hôtesse qui parle aussi bien anglais qu'un nem commence a dire qu'elle va s'arreter pour faire un truc que j'ai pas compris parce que justement, je ne parle pas le nem.

Moi: On fait quoi là?
Papa: j'en sais rien
Moi: Demande a Ming Lok
Ming Lok: (Parle khmer) banane (parle khmer)
Moi: Putain ce serait cool que je finisse par enfin comprendre tous ces trucs de bridés.
Papa: On s'arrête pour donner des offrandes à Yey Mao. Des bananes.
Moi: Mais c'est qui Yey Mao (traduction littérale: la vieille noire. Non, c'est pas une blague)?
Papa: Je sais pas, moi non plus j'ai pas compris l'histoire.
Moi: Demande a Ming Lok.
Ming Lok: (parle khmer) Koh Kong (parle khmer) morte (parle khmer) bananes.
Moi: Qu'est ce qu'il y a? Elle est morte en mangeant une banane à Koh Kong?
Papa: Nan. Yey Mao était l'une des plus belles jeunes filles de son village, et beaucoup de garçons la convoitaient. Mais elle était amoureuse d'un jeune homme qui était commerçant et qui voyageait beaucoup. Quand il partit à Koh Kong, elle voulut le suivre pour le rejoindre, mais elle fut surprise par une averse (il faut savoir que les averses au Cambodge sont comme des raz de marée, mais sur la terre) et mourut noyée.
Moi: Gooore.
Papa: Avant de mourir, elle fit un voeu: le voeu que les voyageurs qui passaient par cette route n'aient pas d'ennuis et reviennent sains et saufs de leur voyage.
Moi: C'est gentil ça.
Papa: Ouais. Donc c'est pour ça qu'on lui fait des offrandes pour pas mourir.
Moi: ...

J'ai pas réagi tout de suite en fait. Et puis après, dans le doute, j'ai demandé à papa:
Moi: Attends mais heu, elle est si dangereuse que ça cette route pour qu'on soit obligés d'aller faire des offrandes pour pas mourir?
Papa: Non c'est tout plat cette route. Mais tu sais, les villageois cambodgiens, ils sont naifs et très croyants. Ca se trouve Yey Mao elle a jamais existé
Moi: Ah ouais d'accord. Bon bah tant mieux hein.

M'enfin moi j'dis que des si bonnes bananes, c'est gâcher que de les donner a une vieille, noire, morte et en plus pas foutue de pas se noyer durant une averse. M'enfin je dis ça je dis rien.

Les petites histoires de papa, le palais royal.


Moi: Et si on allait plutôt à l'ombre là bas, dans l'allée jolie avec tous les arbres?
Papa: Non, on peut pas, c'est une allée réservée au roi et aux personnages importants.
Moi: Bah ça tu le sais pas, y'a aucun écriteau nulle part!
Papa: Bah si, je sais, quand j'étais petit je venais ici tous les mois.
Moi: Ah ouais?
Papa: Ouais.

A gauche de l'entrée, un bâtiment complètement différent des autres m'interpelle: D'un style purement colonialiste français, il est tout blanc, et on dirait juste une énorme maison de poupée.

Moi: Ah papa, j'adooore! C'est quoi ce truc, c'est trop beauuu!
Papa: Ca c'est la maison qui s'occupe des finances des personnes travaillant au Palais Royal.
Moi: Trop classe le service compta!
Papa: Je venais ici tous les mois avec ma grand tante, ton arrière grand tante, pour qu'elle vienne toucher sa retraite.
Moi: Elle taffait ici, grand tatie?
Papa: Non, c'était la 7e femme du roi Monivong.
Moi: Putain trop la classe a Dallas! Et nous on a même pas le droit d'aller dans l'allée où y'a de l'ombre! Aah les chacals!

Les petites histoires de papa: Pagna

Papa: Et donc, lui, c'est ton petit cousin, Pagna. Ca veut dire intelligent. Mais dans la famille, tout le monde l'appelle Gnagna. Parce que tout ce qu'il fait quand il parle, c'est « Gnagnagna »

Le gamin se cache la tête avec un rideau, tourne avec, et puis il crie en imitant un singe.

Moi: Il a quel âge?
Papa: 6 ans.
Moi: T'es sûr que Pagna ça veut dire intelligent?

Les petites histoires de papa: La moto et le singe.


Sur le chemin du retour du palais d'Angkor Wat, papa raconte une histoire dans le minibus à mes tantes et tout le monde rit.

Moi: Hé! Moi aussi j'veux me marrer, t'as raconté quoi là?
Papa: Hier, j'ai parlé au chauffeur du minibus qui m'a raconté l'histoire d'un français en visite a Siem Riep. Il a demandé les services d'une moto taxi pour la journée, à visiter à droite à gauche. Il ne parlait pas cambodgien, comme la majorité des français en visite au Cambodge, et le chauffeur, qui ne devait pas être très malin, blaguait avec ses collègues chauffeurs en disant qu'il emmenait un « sva », un singe en promenade.
Moi: Gore! Pas sympa le chauffeur!
Papa: Attends j'ai pas fini. Une fois arrivé à l'hôtel et la journée finie, le chauffeur demanda sa paye et le français lui répondit en cambodgien: « le singe n'a pas d'argent » et partit.
Moi: Haha c'est qui le sva maintenant hein?