vendredi 28 novembre 2008

Le poids de la culture

Il y a celles qui sont en surpoids : elles ont peut-être cinq, dix, vingt kilos en trop, s’assument ou ne s’assument pas, font des régimes permanents ou sont justes conscientes que leur amour de la bonne chair leur a amené deux trois bourrelets. Et puis il y a celles qui sont minces, même maigres et qui se trouvent grosses. Leur regard devant le miroir est faussé, elles sont obsédées par ces kilos en trop qu’elles voient partout, sur elles, sur les autres, elles scrutent les jolies filles pour voir ce que leur physique a que le leur n’a pas. Il y a aussi celles qui sont bien dans leur peau, qui ont un physique que tout le monde envie et qui en sont conscientes et qui vivent même très bien avec.

1044657051_3e4cf958b1.jpgEt il y a moi.

Moi, j’ai le droit à tous les repas à des conseils diététiques du style : « mange des légumes, j’ai vu les bonbons que tu caches dans ta chambre, tu devrais arrêter si tu veux maigrir, tu devrais vraiment faire un régime, tu as trop de poids ». Je suis traitée d’obèse par mon père, on me regarde de travers dans ma famille quand je dis que je vais manger chez mc do, et quand je dis que je fais du 36 à la communauté dont je fais partie tout le monde me regarde en riant.

J’ai envie de me cacher quand je mange, fuir ces regards accusateurs qui me scrutent à chaque fois que je me sers une autre part. A chaque repas on mange sain : riz, pièces de viande maigre, légumes frais. Le dessert ne se compose que de fruits, et le plus souvent des fruits laxatifs, comme le melon ou des desserts à base de noix de coco. Jamais de gâteaux. Pas ou peu de fritures, de beignets, pas de plats de pâtes à l’huile d’olive, pas de fromage, pas de charcuterie. Je fais du sport, tous les deux jours 40 min de vélo et 20 min de footing minimum. Je ne fais pas vraiment de sport pour maigrir, juste pour me défouler, me changer les idées, me faire plaisir. Mais malgré ça, apparemment, je suis toujours grosse. Pas assez mince pour rentrer dans un slim, pas assez mince pour qu’on arrête de me regarder quand je mange.

Et pourtant…

Et pourtant je mesure 1m52 et pèse 49 kilos. Et pourtant je rentre vraiment dans du 36, je ne trouve pas souvent des robes à ma taille, trop grandes pour moi en général, et je rentre dans tous les pantalons des magasins sans aucun problème. On ne m’a jamais dit que j’étais grosse dans la rue, personne n’a jamais fait d’allusions sur mon poids sauf en bien, les hommes me trouvent séduisante et très bien faite, le sport m’apporte tout ce que je lui demande. Mon IMC est pile dans la moyenne, j’ai des petits seins, certes, mais pour une asiatique je n’en demande pas trop non plus. Je trouve mes fesses trop grosses, mais bon, dans un 36 on va pas chipoter. J’ai des vergetures, oui, j’ai pris beaucoup de poids a la puberté, mais franchement si on ne s’y penche pas, on ne les voit pas.

Je ne suis pas obèse.

Pourtant mon père, médecin, me trouve obèse. C’est fou l’image qu’une communauté peut produire et renvoyer à sa population. Je suis mi française, mi cambodgienne. Certes, les filles cambodgiennes sont très minces. En même temps, pour un pays où la plupart de la population meurt de faim, je trouve ça pas très étonnant. Les jeunes filles cambodgiennes qui sont nées en France sont très minces aussi. Mais c’est un tout autre problème. C’est drôle j’ai tellement voulu défendre ma cause auprès de mon père que j’ai voulu lui ouvrir les yeux sur la réalité de la condition des jeunes filles khmères ici.

Alors j’ai montré à mon père des photos de jeunes filles sur un site internet. Il les a trouvées très minces, mais tout à fait normales. Pas du tout malades. C’était un site pro-anorexique. Mon père trouve que les jeunes filles qui posent en photo sur des sites pro anorexiques sont tout à fait normales, et que d’ailleurs je devrais avoir le même physique. Que pour 1m52 je ne devrais pas peser 49 mais 32 kgs, comme indiqué sur le site internet (je rappelle que c’est un avis purement médical qui parle, mon père est médecin).

En Asie, le culte de la femme au physique parfait est très présent, je parle du Cambodge en général, mais les japonaises souffrent aussi beaucoup du diktat de la minceur. Je n’ai rien contre le fait d’être mince, au contraire, je suis la première à crier au secours quand j’ai pris le moindre gramme. Mais je refuse catégoriquement de me plier aux lois de cette mode qui place comme standard une maladie.

Tout ça pour dire que oui, pour une asiatique je suis grosse, j’ai même cinq kilos en trop par rapport à leurs standards. Mais je revendique aussi le droit de manger en paix. Si je veux grossir en bouffant ce qui me plaît, je boufferai des cochonneries. Personne n’a le contrôle de mon poids sauf moi. Et c’est tant mieux.

Et les connards de leaders d’opinion qui prennent des mal nourries pour des mannequins, je leur dédie cet article : l’anorexie n’est pas un standard, c’est une maladie.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu viens quand chez moi qu'on se fasse une super grosse bouffe? ^-^
C'est vrai que la vision qu'on les gens à propos du poids est...comment dire...très pesante :D
Toutes mes ex ont eu ou bien ont encore de grave problèmes liés à leur physique, l'une d'elle étant boulimique...
Il est important de pouvoir s'accepter tel qu'on est et de réussir à ne plus SUBIRE le regard des autres.
Nous avons tous et toutes le droit de disposer de notre corp tel qu'on l'entend !

frenchi971 a dit…

tu vois j'habite a atlanta ou il y a bcp d'asiatique. c'est surtout des chinois et des coreens.
comme je bosse dans un grand campus il y a aussi bcp d'asiatiques mais la c'est plutot 2sortes de caracteristiques physiques non liees a l'origine ethnique mais au lieu de naissance.J'ai remarque (c'est un stereotype bien sur) qu'en general les femmes aisatiques sont relativement minces et avec peu de "relief"!
pourtant les asiatiques nees et habitant en amerique sont generalement pourvues de seins visibles et de fesses consequentes.
pourtant quand tu vois les parents , la majorite des femmes sont des planches a repasser. je pense donc que l'alimentation joue un grand role car ces jeunes filles nees ici sont bien "integrees" dans le systeme scolaire et alimentaire. elles parlent un anglais impeccable sans aucun accent ce qui montre qu'elles ont effectuees toutes leurs scolarite ici.

Alia a dit…

Merci pour cet article. Je n'aurais pas pu mieux l'écrire!