jeudi 11 novembre 2010

Tu le sens mon gros karma collectif?

Je me sens un petit peu honteuse d'avoir laissé mon blog à l'abandon aussi longtemps alors que des gens me laissaient encore des commentaires sur certains de mes articles, et particulièrement sur « Je m'appelle Tévy », qui a eu l'air d'avoir beaucoup de succès, et j'en suis sincèrement ravie, croyez moi.

Cette petite intro touchante en gnangnan passée, je reviens ici pour vous parler d'un sujet qui m'a particulièrement touchée ces derniers temps. Le sujet du bouddhisme, enfin plus précisément du karma.
Pour ça, il faut que je vous explique ce qu'est le karma depuis le début. Ce que le bouddhisme signifie pour les asiatiques, et tout ce qu'il signifie dans l'histoire du Cambodge ainsi que l'histoire de la diaspora cambodgienne aujourd'hui. Alors on va faire ça. On a le temps non? Et puis vu tout ce temps où je vous ai laissés seuls, je peux bien vous pondre un article de vingt pages, hein :).

Je tiens à préciser que je vais parler ici du bouddhisme du Grand Véhicule, celui que je connais le mieux, que j'ai le plus fréquenté en fait, aussi.
Donc s'il y a des différences avec ce que l'on a pu vous dire du bouddhisme, c'est seulement parce qu'il existe plusieurs types de bouddhisme. Sans parler de l'hindouisme, et de plein d'autres trucs dont je ne vais pas parler aujourd'hui sinon on va tous mourir d'ennui et de désespoir, noyés sous notre propre bave après avoir fait une crise d'épilepsie de vingt minutes. Minimum.

Disons que si je devais commencer par quelque part, je dirais que l'on a tous entendu parler du karma. Plus ou moins. On sait tous que le karma, c'est une sorte de destin propre à chacun, d'avenir tout tracé. En fait, on explique l'histoire du karma à la création du monde: les Bouddhas étaient tous réunis au Nirvana et devaient prendre pour décision de descendre sur Terre ou pas. Et s'ils prenaient la décision de descendre sur Terre, ils devaient choisir une souffrance. La peur, la colère, l'humiliation, et ainsi de suite. Donc, en simple et clair, chaque humain est un bouddha qui trimballe une souffrance avec lui. Et c'est elle que l'humain doit accepter, puis changer, pour devenir un être bouddha, un être éveillé (vous l'aurez compris, bouddha veut dire « éveillé »).

Si on va plus loin, il existe des karmas individuels et collectifs.
Et c'est là que je veux en venir. Pour les bouddhistes, ce que les juifs appellent la Shoah est leur karma collectif, le karma de persécution. Et si je parle de la Shoah, que je prends cet exemple précis, ce n'est pas par hasard. C'est surtout parce que la plupart des cambodgiens qui ont fui la guerre et sont aujourd'hui à l'étranger sont très admiratifs de cette tradition de devoir de mémoire. En effet, comme je l'ai dit dans un article précédent sur ma visite de Tuol Sleng, les cambodgiens sont très réticents dans le fait de retourner sur les lieux d'un drame, ils ne parlent jamais des défunts de leurs famille qui sont morts tués et torturés par les Khmers Rouges, et la plupart des jeunes cambodgiens ne savent absolument pas ce qu'est le communisme et ce qu'il s'est passé en 1978.

C'est ce qu'on appellerait le karma collectif des cambodgiens. Le karma de la fuite face à l'autorité. Et ce qui est le plus drôle, c'est qu'on aura beau être les plus cartésiens possible, absolument tous les cambodgiens ont un problème face à l'autorité. Tous. Des parents aux patrons, nous avons tous cette chance, parce que oui, c'est une chance, d'avoir une figure très autoritaire, voire trop autoritaire, voire dictatoriale, dans notre entourage. C'est une chance parce que cela nous donne la possibilité de changer les choses, nous, en tant qu'êtres humains qui sommes sortis de l'horreur, et de prendre en main nos vies pour enfin faire la différence et changer, changer notre karma. Ou notre destinée. Ou notre vie. M'enfin appelez ça comme vous le voudrez, de toute façon, ça revient au même: ce qui fait la force du peuple cambodgien aujourd'hui, c'est d'avoir la chance de pouvoir faire face à nos difficultés, pour pouvoir les vaincre, et nous encourager les uns les autres avec nos victoires propres.

Et donc, depuis le début, le but de ce blog, c'est ça
: c'est de prendre cette philosophie, et de la tourner à ma sauce métisse. Je ne veux plus que l'on parle du peuple khmer comme d'un peuple persécuté pendant des années, qui a vécu un génocide, et qui peine à s'en sortir. Non. Je veux qu'on parle enfin de la culture khmère comme de quelque chose de joyeux, de femmes qui disent que les meilleurs souvenirs qu'elles aient eus étaient ceux qu'elles se sont faits dans les camps de réfugiés thaïlandais, de jeunes filles qui vont pour la première fois sur leur terre natale et qui comprennent enfin ce qu'était ce bâtiment bizarre sur tous les tableaux de leur maison, de roulages de nems collectif (je vous vois sourire, je parle d'un vrai nem, pas d'autre chose bande de pervers), d'apprentissage d'utilisation de baguettes, etc, etc.

Je veux qu'enfin, les cambodgiens n'aient plus honte de leur karma collectif.
Je veux qu'ils soient fiers d'avoir vécu ce qu'ils ont vécu, parce que c'est ce qui fait d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui. Je veux que les enfants métisses arrêtent d'avoir honte d'être des petits jaunes et brandissent leurs baguettes en criant qu'ils aiment le prahok. Parce que le prahok, c'est le bien. Et que même si ça pue, bah c'est vachement bon quand même.

Et surtout, je veux qu'ils soient enfin heureux. Alors, soyez heureux, les gens! Et portez vous bien !

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