mardi 6 mars 2012

Parti pris.


Je ne sais pas si, pendant l’écriture d’un blog, on peut vraiment rester complètement impartial et objectif. Dès la description du blog, on peut de suite voir mon point de vue sur le métissage : je le vis bien. Sisi. Certains de mes articles témoignent du mal-être qui a pu ressortir de mon métissage, comme là, par exemple. Et même si ça a l’air vachement facile, d’une part parce que j’ai une tête de française a ce qu’en disent les asiatiques (les occidentaux, eux, disent que j’ai une tête bizarre, c’est tout), il a fallu me battre pour arriver a concilier les deux parties de moi-même qui forment le tout que je suis aujourd’hui.

J’ai donc décidé de dire au monde à quel point des fois, être métisse, c’est merveilleux. J’vis pas dans le monde des bisounours, rassurez-vous, ils sont heureux tout le temps, c’est vachement effrayant. Mais avant de dire ça, je crois que j’ai oublié de dire le chemin que j’ai dû parcourir avant même de m’accepter telle que je suis, et je pense que pour mesurer à quel point l’acceptation en tant qu’entité a part entière est exceptionnelle pour une métisse, il faut savoir par quoi je suis passé. Alors je vais vous le raconter. Humblement, hein, et sans papillons qui volent ni de Hello Kitty qui se cache dans les prés.

Déjà, je l’ai dit, et redit, mais porter un prénom cambodgien, ça n’attire pas que des remarques gentilles et des curiosités de la part des gens. Au mois de novembre dernier, on m’a douloureusement rappelé que mes ancêtres venaient de Cochinchine. Etre issu d’une culture qui a été sous protectorat français pendant près d’un siècle, ça ne comporte pas que des avantages, ça donne aussi à certains l’envie d’asseoir leur supériorité sur votre culture comme si celle-ci n’avait pas été la plus grande d’Asie au Ve siècle. Bref. Je vous passe le cliché du racisme quand on est enfant d’émigré, je rappelle juste qu’il aurait été facile de ne pas le subir, surtout quand on a une tête aussi passe partout que la mienne. Il m’aurait suffi de dire que j’étais française, et que je revenais de vacances pour être aussi bronzée, tout simplement.

Ensuite, il y a beaucoup de parents cambodgiens, surtout dans les couples métissés, qui n’apprennent pas le cambodgien à leurs enfants. Moi-même, je n’ai jamais appris le khmer. Alors la discrimination se fait dans l’autre sens aussi. D’une part, on ne comprend rien pendant les dîners de famille, d’autre part, tout le monde se demande si vous  saurez vous servir de baguettes, ou que vous saurez vous comporter humblement avec les bonzes à la pagode. Non je ne suis pas née au Cambodge, non je ne parle pas le cambodgien, mais non, je ne suis pas complètement française. Allez vous retrouver là-dedans tiens.

Et puis pour en finir avec cette interminable liste de combats à mener pour l’acceptation de soi et de son métissage, j’ai eu une mère qui rejetait totalement la culture cambodgienne, et un père qui ne voulait pas nous traumatiser avec ses histoires de guerre, de colonisation, ou d’Angkor Wat, merveille du monde, patrimoine national etc. La culture cambodgienne, j’ai dû aller la chercher. Elle n’a jamais été chez moi, dès le départ. Elle ne m’a jamais mise à l’aise, avec ses potins sur moi racontés en cambodgien parce que j’avais des copains avec qui je sortais au ciné, que je m’habillais comme une française et que je parlais à mon père comme un égal et non comme un aîné. 

Soyons clairs : les points positifs dans le métissage, si on les trouve, c’est parce qu’on a mis du temps à les chercher. Son identité en tant qu’individu, même quand on est né de deux parents cambodgiens, elle est dure à trouver. Mais si on veut un équilibre, il faut se battre pour l’avoir. Personne ne viendra vous chercher pour mettre de l’ordre dans votre vie, personne ne changera les regards qui se posent sur vous si vous ne changez pas vous-mêmes. Etre heureux, aimer sa famille, s’aimer soi, c’est une chose qu’on se bat fort pour avoir et qui n’est pas acquis chez tout le monde. J’ai fait preuve de beaucoup de courage pour en arriver là, à affirmer mon identité, et même si tout ça a l’air acquis, ça ne l’a jamais été. Mon parti pris a toujours été de montrer qu’on peut être heureux même si on doit rassembler toutes les pièces du puzzle culturel pour qu’il veuille dire quelque chose. Mais je n’ai jamais dit que c’était facile.

6 commentaires:

AnnaPoubelle a dit…

Tu sais que tu écris vraiment très bien ma poulette? C'est une belle ode à ce que tu es :D

tévouille a dit…

Merci beaucoup tata poubelle! Je fais ce que je peux pour rattraper mon retard, j'ai quand même pas écrit depuis au moins 6 mois :p

Girltravelling a dit…

Waw ton article m'a beaucoup fait réfléchir. Je suis en couple avec un français blanc et moi je suis noire et d'origine somalienne. Aussi fleur bleue que ça sonne je veux avoir des enfants plus tard. Je m'étais pas posée la question du métissage comme un voyage difficile vers la route de l'acceptation de soi. Je veux apprendre à mes gosses le somalien parce que c'est important pour moi et que je ne veux pas qu'il soit coupé dans leur communication avec ma mère ou ma grand mère. C'est une partie de qui je suis et de leurs racines alors c'est un devoir pour moi.

J'imagine qu'on a du te demander plusieurs fois dans ta vie si tu te sentais plus française que cambodgienne. Quelle question à, la con. Je te comprends totalement quand tu dis par rapport au protectorat français. De mon côté c'est les blagues à répétitions sur la maigreur des somaliens qui me débectent. comme si c'était drôle. il y a actuellement des gens, des vrais gens qui meurent de faim.

Bref merci pour ton article, il a égayé ma journée :)

tévouille a dit…

@GirlTravelling, merci beaucoup!

J'espère que ça ne te retiendra pas de faire de beaux bébés métisses, le chemin a été difficile certes, mais la récompense tellement gratifiante!

Anonyme a dit…

Si Si mille fois tu ne vis pas bien dans ta peau puisque tu écris beaucoupde choses de toi et de tes parents aulieu de les aider réfléchis arrives tu quelquefois d aider les autres dans ta vie?

Anonyme a dit…

Je viens de tomber sur ton blog, mon papa est cambodgien et ce n'est que maintenant que je commence à faire des recherches sur mes racines. "et un père qui ne voulait pas nous traumatiser avec ses histoires de guerre, de colonisation, ou d’Angkor Wat, merveille du monde, patrimoine national etc. La culture cambodgienne, j’ai dû aller la chercher" ; merci pour tes mots, maintenant je sais que je ne suis pas seule, et ça fait du bien.
J'ai moi aussi une "tête d'occidentale avec les yeux bridés quand je ris" et le nombre de gens m'ayant dit "oh on dirait pas du tout que t'es asiatique" est énormément supérieur au nombre de gens m'ayant dit que mes origines étaient flagrantes.
Tout ça pour dire : merci d'avoir écrit ce blog. Merci.